Avec « Mr. Holmes », Bill Condon dépoussière le mythe de Conan Doyle

Ian McKellen dans « Mr. Holmes » de Bill Condon

Ian McKellen dans « Mr. Holmes » de Bill Condon © ARP SÉLECTION/GILES KEYTE

Critique  Ian McKellen est grandiose dans le rôle du détective légendaire, ici nonagénaire. Ce soir à 20h50 sur Ciné+ Club.

Sherlock Holmes est grognon. Nous sommes en 1947. A 93 ans, Holmes perd la mémoire et espère que des gouttes de frêne épineux (Zanthoxylum americanum, excellent pour les rages de dents et les flatulences) amélioreront son état. Il ne se ressemble guère : il n’a jamais porté la casquette à double rabat, ne fume pas la pipe et, Watson disparu, tente de mettre son passé en ordre. Sous la vigilante surveillance de Mrs. Munro, à la campagne, il soigne ses abeilles, traque de vieilles affaires et donne des conseils au petit Roger, 12 ans, le fils de la gouvernante.

Evidemment, Conan Doyle n’a jamais écrit cette aventure de son légendaire détective : c’est une délicieuse parodie, élégiaque et gracieuse, à laquelle se livre le réalisateur Bill Condon. Doublement réussie : l’adaptation du livre de Mitch Cullin (« les Abeilles de monsieur Holmes », 2005) est élégante. Le mythe est respecté mais, en même temps, épousseté, et l’interprétation de Ian McKellen est grandiose. Celui-ci, en redingote noire, canne à la main et haut-de-forme sur la tête, est l’archétype du policier victorien, arrogant et malin, ironique et vaniteux. Rescapé de « X-Men » (rôle de Magneto) et du « Seigneur des anneaux » (Gandalf), McKellen possède son Shakespeare sur le bout du doigt.

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Rebelles corsetés

Il donne au personnage de Holmes une âme rêche et une cambrure d’incroyable du Directoire. Et jette notre héros dans l’époque moderne : notre détective va au Japon visiter Hiroshima, et, pour passer le temps, tente de reconstituer l’affaire dite du « gant gris colombe », qui a eu lieu juste après la Grande Guerre. Il y avait alors décelé le désespoir d’une femme, sans sonder sa profonde détermination : cet échec ancien le grignote. Les collines du Sussex, magnifiques, ondulent devant sa fenêtre, mais son esprit vagabonde…

Bill Condon laisse la caméra le suivre, avec tendresse. Le réalisateur s’intéresse à ces personnages de hors-venus, de rebelles corsetés : il a naguère signé deux biopics. L’un sur James Whale, le réalisateur de « Frankenstein » (1998), l’autre sur « Kinsey » (2004), le sexologue. Ici, il renouvelle la saga Holmes : cent films, mille feuilletons télé sont passés par là. Le personnage, du vivant de Conan Doyle, était tellement encombrant que l’auteur a voulu le tuer. Peine perdue : Holmes revient sans cesse, inoxydable. Ici, il a le charme du lion en hiver.

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Jeudi 2 mai à 20h50 sur Ciné+ Club. Film policier britannique de Bill Condon (2016). Avec Ian McKellen, Laura Kinney, Milo Parker. 1h44.
(Disponible à la demande sur myCANAL).

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