Pénuries de médicaments en Europe : qu’est-ce qui coince ?
Décryptage Des pénuries régulières ont conduit le Parlement européen à voter un texte pour obliger les entreprises pharmaceutiques à se prémunir contre les ruptures de stock.
En accès libre
Vous voulez participer au débat ?
S’abonner permet de commenter les articles. Et pas que : vous pouvez les consulter et les offrir à vos proches.
Tous les hivers, c’est la même histoire. Les Français, comme les habitants d’autres pays européens, sont confrontés à des pénuries de certains médicaments. Au Royaume-Uni, ces ruptures de stocks sont même devenues « une nouvelle normalité », selon rapport publié ce jeudi 18 avril.
Antibiotiques, traitement de l’épilepsie, ou hormones de substitution prescrites aux femmes ménopausées… Le nombre de déclarations d’alertes de pénuries imminentes de médicaments a doublé outre-Manche en seulement trois ans, passant de 648 en 2020 à 1 634 l’an dernier, selon cette étude menée par le Nuffield Trust, un centre de réflexion spécialisé sur la santé.
Publicité
Une situation qui illustre de manière flagrante un phénomène qui touche de plein fouet l’ensemble des pays européens. Ces pénuries régulières ont d’ailleurs conduit le Parlement européen à voter un texte le 10 avril dernier, pour obliger les entreprises pharmaceutiques à se prémunir contre les ruptures de stock et favoriser le développement de génériques plus abordables.
Vulnérabilité aux importations
Comment l’expliquer ? Il y a bien entendu la question de l’augmentation des besoins, due au vieillissement de la population Mais la principale cause est la vulnérabilité aux importations.
Il y a vingt ans, l’Europe était le premier producteur et exportateur de médicaments au monde. Mais la production a depuis été largement délocalisée dans des pays à bas coût de main-d’œuvre. La Chine et l’Inde produisent ainsi entre 60 % et 80 % des principes actifs selon une étude copubliée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), publiée en 2017.
A lire aussi
Décryptage Pénurie de médicaments : « Il m’est arrivé de sélectionner les patients pour délivrer la seule boîte qui me restait »
Abonné
Comme l’explique aux « Echos » Bernard Bégaud, professeur émérite de pharmacologie à l’université de Bordeaux, la distribution fonctionne désormais « en flux tendu ». Un retard de déchargement, un problème de conformité ou un conflit dans une usine suffisent pour mettre à mal toute une filière.
Publicité
Le texte voté par l’UE contraint désormais les entreprises à signaler rapidement d’éventuelles ruptures de stock et à mettre en place des plans de prévention des pénuries, à commencer pour les quelque 200 substances actives « critiques » listées récemment par Bruxelles.
Proposer des « équivalences »
En France, le gouvernement a annoncé mi-février des efforts de relocalisation et de hausse de la capacité de production de « 147 médicaments stratégiques ». « La meilleure manière de ne pas manquer de quelque chose, c’est de le produire chez nous, en France et en Europe », avait déclaré auprès du « Parisien » le ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure.
Cette nouvelle feuille de route prévoit en outre de prescrire des alternatives aux médicaments non disponibles. Pour cela, les pharmaciens pourront ainsi s’appuyer sur des « tableaux d’équivalence », établis par l’ANSM.
A lire aussi
Décryptage « Mauvais choix », « amateurisme »... pourquoi la liste des « 450 médicaments essentiels » est critiquée
Abonné
Des travaux sont menés pour « que le médecin, sur son logiciel de prescription puisse effectivement savoir que tel ou tel produit n’est pas disponible le jour où il veut le prescrire », a indiqué à BFMTV la ministre en charge de la Santé, Catherine Vautrin. Ce programme pilote est prévu pour 2025.
Publicité
En parallèle, le gouvernement veut continuer sa communication sur le « bon usage » des médicaments, en mettant l’accent sur l’adaptation du conditionnement à la durée du traitement.