« Burning Days », un « eastern » turc en prise directe avec l’actualité
Critique Un jeune incorruptible sème le trouble parmi les notables véreux d’une petite ville de l’Anatolie. Une métaphore efficace des ravages de la politique d’Erdogan. Ce soir à 21h sur Canal+ Cinéma(s).
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Il est jeune, célibataire, séduisant et idéaliste. Emre (Selahattin Pasali) est le nouveau procureur d’une petite ville de Turquie, ensablée dans des paysages d’une beauté lunaire. Son prédécesseur est parti en courant, chassé par des édiles corrompus et des notables véreux, qui arrosent leurs pots-de-vin au raki. Mais Emre a foi en la loi. Il aime nager dans un lac voisin comme pour s’y purifier davantage. C’est aussi un candide.
Le film puissant, étouffant et angoissant d’Emin Alper, qui tient du thriller et du western, montre comment une communauté, soudée par les malversations, repliée sur ses intérêts et lourdement armée, finit par compromettre puis rejeter l’étranger qui menace ses privilèges. Tous les moyens sont bons - sexe, mensonges et vidéo - pour nuire au justicier, dont les mains sont trop propres.
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Entre Ceylan et Farhadi
La splendeur de l’image ajoute ici à la noirceur du sujet, qui est, de la montée du populisme à la pénurie d’eau et de l’homophobie à la xénophobie, d’une troublante actualité. Sans compter que la ville imaginaire d’Anatolie centrale où se déroule l’action est comme un microcosme de la Turquie d’Erdogan.
La force de ce film au scénario dédaléen, qui réconcilierait Nuri Bilge Ceylan et Asghar Farhadi, repose aussi sur ses équivoques : qui manipule qui ? Le chevalier blanc est-il vraiment si blanc, et son allié journaliste, si sincère ? Au début et à la fin, le héros s’approche d’un cratère géant au milieu du désert. On se demande s’il va y tomber. Vertige assuré, acrophobes s’abstenir.